Une recherche de
  • Lou Guetin
  • À partir de l'enquête

    La Chapelle

    2025

    Lou Guetin

    «Patience on embellit votre quartier», Photographie personnelle, 2025, affiche de la Ville de Paris. La pancarte ce situe à quelque pas entre le chantier du Campus Condorcet et l’ancienne «collines du crack».

    A Paris comme ailleurs les friches ferroviaires font l’objet d’occupations temporaires avant la mise en place de projets pérennes. Selon les cas, les traces de ces occupations sont volontairement effacées ou au contraire, valorisées.  

    Cette recherche compare l’évolution de deux lieux à seulement 900m l’un de l’autre dans le nord du 18e arrondissement. Autour de 2016, l’ancienne gare de fret et l’ancien dépôt de la Chapelle ont accueilli en même temps et respectivement le Centre de Premier Accueil pour migrants primo-arrivants (durant 18 mois) et un bar éphémère et un tiers-lieu festif (durant deux étés consécutifs). Le premier sous la forme d’une architecture signée, gonflable et colorée ; le second reprenant l’esthétique d’un squat industriel laissé brut. Aujourd’hui, les traces du centre d’accueil ont totalement disparu sous le chantier d’un grand bâtiment universitaire, tandis que le site du tiers-lieu, renommé “le jardin des Mécanos” fait l’objet d’un vaste programme immobilier mixte marketé autour de la mémoire ferroviaire du lieu. L’étude de ces deux projets et de leurs chronologies permet de mettre au jour deux stratégies inversées de valorisation urbaine : entre oubli délibéré et célébration forcée.

    Du dépôt de la Chapelle à la friche, et du bastion 34 de l’enceinte de Thiers et la gare de fret de la Chapelle aux travaux pour le campus Condorcet,Image 1 : Annotations personnelles sur le plan Vasserot, Atlas Communal des départements de Seine, 1895-1900Image 2 : Capture d’écran 2025 et annotations personnelles, données cartographiques IGN, 2021. Plan sur lequel nous observons, en haut à gauche, le dépôt de La Chapelle, comprenant la remise pour machines alignée sur la rue Ordener, ses deux rotondes, les ateliers des machines et les bureaux alignées sur la rue des Poissonniers. Les équipements ferroviaires s’étendent alors jusqu’au boulevard Ney, devant l’enceinte de Thiers. Du pont Marcadet jusqu’au boulevard Ney, on distingue une multitude de quais, ainsi qu’une douane pour les arrivages. Au nord, on aperçoit le bastion n°34 et son poste-caserne, faisant partie de l’enceinte de Thiers, qui encerclait Paris depuis l’achèvement de sa construction en 1844. On aperçoit l’arrivées des lignes de chemin de fer de la gare de fret de La Chapelle.Vue aérienne sur laquelle nous observons, en haut à gauche, l’ancien dépôt de La Chapelle en friche. Les ateliers autorails, qui se trouvaient au plus proche du pont Marcadet, ont été détruits (2008) et les rails du dépôt ne sont plus visibles. L’ensemble des Ateliers n’existe plus et a été remplacé par des tours et des barres de logements. Les tours de La Chapelle Internationale ont pris la place des quais de marchandises et de la douane pour l’arrivage. Tout à droite, à cet emplacement, se tenaient successivement le Bastion 34 de l’enceinte de Thiers, la gare de fret de la Chapelle, puis les entrepôts du SERNAM avec la gare de marchandises de l’entreprise Edouard Dubois & Fils. Sur ce site, on observe les deux anciens tabliers, du pont National et du pont Soudé, ce qui permet de dater plus précisément la prise de vue : août 2021. Le terrain est alors dépollué et prêt pour le démarrage du chantier du Campus Condorcet.

    Du dépôt de la Chapelle à la friche, et du bastion 34 de l’enceinte de Thiers et la gare de fret de la Chapelle aux travaux pour le campus Condorcet,
    Image 1 : Annotations personnelles 2025, sur le plan Vasserot, Atlas Communal des départements de Seine, 1895-1900,
    Image 2 : Annotations personnelles
    sur capture d’écran 2025, données cartographiques IGN, 2021.

    Plan sur lequel nous observons, en haut à gauche, le dépôt de La Chapelle, comprenant la remise pour machines alignée sur la rue Ordener, ses deux rotondes, les ateliers des machines et les bureaux alignées sur la rue des Poissonniers. Les équipements ferroviaires s’étendent alors jusqu’au boulevard Ney, devant l’enceinte de Thiers. Du pont Marcadet jusqu’au boulevard Ney, on distingue une multitude de quais, ainsi qu’une douane pour les arrivages. Au nord, on aperçoit le bastion n°34 et son poste-caserne, faisant partie de l’enceinte de Thiers, qui encerclait Paris depuis l’achèvement de sa construction en 1844. On aperçoit l’arrivées des lignes de chemin de fer de la gare de fret de La Chapelle.

    Vue aérienne sur laquelle nous observons, en haut à gauche, l’ancien dépôt de La Chapelle en friche. Les ateliers autorails, qui se trouvaient au plus proche du pont Marcadet, ont été détruits (2008) et les rails du dépôt ne sont plus visibles. L’ensemble des Ateliers n’existe plus et a été remplacé par des tours et des barres de logements. Les tours de La Chapelle Internationale ont pris la place des quais de marchandises et de la douane pour l’arrivage. Tout à droite, à cet emplacement, se tenaient successivement le Bastion 34 de l’enceinte de Thiers, la gare de fret de la Chapelle, puis les entrepôts du SERNAM avec la gare de marchandises de l’entreprise Edouard Dubois & Fils. Sur ce site, on observe les deux anciens tabliers, du pont National et du pont Soudé, ce qui permet de dater plus précisément la prise de vue : août 2021. Le terrain est alors dépollué et prêt pour le démarrage du chantier du Campus Condorcet.

    Vue aérienne de l’entrée du Ground Control, alors nommé « Grand Train », par la rue Ordener,
    Capture d’écran Géoportail 2025, données géographiques IGN 2016.

    Depuis la plateforme en ligne Géoportail, en ajustant les niveaux de zoom, l’échelle 1:500 permet de distinguer l’inscription « Bistrot Bar Trattoria Terrasse Pétanque » sur le toit en sheds du dépôt de la Chapelle. Visible depuis la rue Ordener, cette inscription avait déjà été utilisée lors de la première édition de Ground Control à la Cité de la Mode et du Design, dans le 13e arrondissement de Paris.

    Vue aérienne de la mise en place du Centre de premier accueil Paris-Nord,
    Capture d’écran Géoportail 2025, données géographiques IGN 2016.

    Avec le même outil numérique Géoportail, l’échelle 1:500 permet d’observer l’installation du Centre de premier accueil Paris-Nord, situé Porte de la Chapelle.
    Cette vue révèle les lests formant trois arcs de cercle autour de conteneurs maritimes.
    La structure gonflable « La Bulle », conçue par Hans-Walter Müller, sera ensuite mise en volume grâce à la mise en tension de sa membrane par air pulsé, épousant au sol la périphérie formée des lests.

    L’entrée du Ground Control, sous le nom de Grand Train, Captures d’écran 2025 depuis Street View "voir plus de date", juin 2016, de GoogleMaps, © Google 2025.En juin 2016, le site est de nouveau occupé par le Ground Control, cette fois sous le nom de Grand Train, comme l’indique le panneau avec ses lettres LED. On remarque une multitude de drapeaux arborant le premier logo de la SNCF, créé en 1937 lors de la fusion de cinq compagnies de chemin de fer françaises. Cette mise en scène rétro dès le seuil du lieu montre une volonté de valoriser l’histoire du site.Pour accéder au lieu en contrebas, il faut passer une fouille de sac effectuée par plusieurs vigiles, sous un barnum, ce qui donne des airs d’événement privé, sur réservation.

    L’entrée du Ground Control, sous le nom de Grand Train,
    Captures d’écran 2025 depuis Street View "voir plus de date", juin 2016, de GoogleMaps, © Google 2025.

    En juin 2016, le site est pour une nouvelle saison occupé par le Ground Control, cette fois sous le nom de Grand Train, comme l’indique le panneau avec ses lettres LED. On remarque une multitude de drapeaux arborant le premier logo de la SNCF, créé en 1937 lors de la fusion de cinq compagnies de chemin de fer françaises. Cette mise en scène rétro dès le seuil du lieu montre une volonté de valoriser l’histoire du site. Pour accéder au lieu en contrebas, il faut passer une fouille de sac effectuée par plusieurs vigiles, sous un barnum, ce qui donne des airs d’événement privé, sur réservation.

    L’entrée du Centre de Premier Accueil 2017,Image 1 :  Charlotte Boitiaux, 2017 InfoMigrants, Image 2 : Thomas Fliche, 2017 Le FigaroLe Centre humanitaire Paris-Nord ouvre ses portes le 10 novembre 2016 à la Porte de la Chapelle. Dans la halle Dubois, l’espace d’hébergement temporaire accueille les premiers migrants. Disposant de 400 places, celles-ci sont mises à leur disposition pour une période de 5 à 10 jours. En moyenne, 86 personnes arrivent chaque jour, tandis que 250 à 300 sont orientées chaque semaine vers des structures d’hébergement, des centres d’accueil et d’orientation (CAO) ou des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Des campements sauvages se forment régulièrement aux abords de la Porte de la Chapelle.

    L’entrée du Centre de Premier Accueil boulevard Ney en 2017,
    Image 1 : Charlotte Boitiaux, 2017 InfoMigrants,
    Image 2 : Thomas Fliche, 2017 Le Figaro

    Le Centre humanitaire Paris-Nord ouvre ses portes le 10 novembre 2016 à la Porte de la Chapelle. Dans la halle Dubois, l’espace d’hébergement temporaire accueille les premiers migrants. Disposant de 400 places, celles-ci sont mises à leur disposition pour une période de 5 à 10 jours. En moyenne, 86 personnes arrivent chaque jour, tandis que 250 à 300 sont orientées chaque semaine vers des structures d’hébergement, des centres d’accueil et d’orientation (CAO) ou des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Des campements sauvages se forment régulièrement aux abords de la Porte de la Chapelle.
    La « Bulle » d’accueil, d’une surface de 900 m², est créer par l’ingénieur Hans-Walter Muller (1935- ), connu pour ses architectures gonflables, dont la rapidité d’installation et la possibilité de surface couverte sont très intéressantes pour des projets éphémères. La Bulle a contribué à la visibilité de ce projet et est devenue l’éponyme de celui-ci.

    L’entrée du Ground Control, rue Ordener, lors du défilé de la Maison Margiela pour la collection homme printemps-été 2016.
    Photographie Gentleman Chemistry, 26 juin 2015.

    La Maison Margiela est une maison de Haute Couture parisienne, connue pour son côté anticonformiste. John Galliano en est alors le directeur artistique et choisit le décor industriel, brut et urbain de la friche du dépôt de la Chapelle comme lieu de défilé pour la collection homme printemps-été 2016. La Maison avait déjà organisé un défilé lors de la première occupation temporaire du Ground Control, dans les anciens parkings de la Cité de la Mode et du Design, dans le 13ᵉ arrondissement. Plusieurs panneaux indiquent les différentes entrées et lieux d’attente: celle pour la presse, celle des photographes, celle pour les standings.À l’intérieur, de part et d’autre du catwalk, les places des invités sont réparties en fonction de leur statut : en différents rangs pour ceux qui sont assis (front row et seating), puis les invités debout (standing).

    Les modèles du défilé de mode « Hope Couture », organisé par l’association Good Chance Theatre dans le centre de premier accueil Paris-Nord,Photographe Justin Sutcliffe/Eyevine pour The Guardian, 10 Mar 2018.L’association britannique Good Chance Theatre a installé son théâtre éphémère durant trois mois dans l’enceinte du centre de premier accueil de la Porte de la Chapelle. Elle propose des ateliers de théâtre aux migrants en leur permettant de se réapproprier leur histoire.Le théâtre ouvre ses portes le samedi pour l’événement « Hope Couture », afin de présenter ses créations au public parisien. Les pièces présentées sont le fruit de la collaboration entre les réfugiés et les étudiants de l’Académie Internationale de la Mode de Paris, fabriquées à partir de vêtements inutilisés donnés à Emmaüs Solidarité. Ces pièces collaboratives sont portées par les réfugiés sur le catwalk. La résidence du théâtre s’est déroulée dans une structure éphémère prenant la forme d’un dôme géodésique.

    Les modèles du défilé de mode « Hope Couture », organisé par l’association Good Chance Theatre dans le Centre de Premier Accueil Paris-Nord,
    Photographe Justin Sutcliffe/Eyevine pour The Guardian, 10 Mar 2018.

    L’association britannique Good Chance Theatre a installé son théâtre éphémère durant trois mois dans l’enceinte du Centre de Premier Accueil de la Porte de la Chapelle. Elle propose des ateliers de théâtre aux migrants en leur permettant de se réapproprier leur histoire.Le théâtre ouvre ses portes le samedi pour l’événement « Hope Couture », afin de présenter ses créations au public parisien. Les pièces présentées sont le fruit de la collaboration entre les réfugiés et les étudiants de l’Académie Internationale de la Mode de Paris, fabriquées à partir de vêtements inutilisés donnés à Emmaüs Solidarité. Ces pièces collaboratives sont portées par des demandeurs d'asile sur le catwalk. La résidence du théâtre s’est déroulée dans une structure éphémère prenant la forme d’un dôme géodésique.

    Graff publicitaire ou sponsoring de marque de bière au dépôt de La Chapelle.Capture d’écran 2025, vidéo «Exposition Grand Train au dépôt de la Chapelle à Paris» publié par Niko Paladino sur Youtube 2016.La bière Skøll Tuborg est une marque de bière française lancée par la brasseries Kronenbourg en 2013. Sur les deux extraits vidéo, des fresques reprenant la marque de la brasserie Kronenbourg et le nom des bières occupent les murs. En dessous de la fresque « Skøll », une petite pancarte « California Zephyr », nom donné à un mythique train reliant Chicago à la baie de San Francisco, aux États-Unis, symbolise la conquête de l’Ouest. À côté, une image montre deux cheminots réparant une machine. Entre les deux, une pancarte « Hot dog de qualité, saucisse 100 % pur bœuf, etc. » indique ensuite les moyens de paiement. Un deuxième petit panneau, avec pour logo une bière et les moyens de paiement, se trouve plus loin. Le lieu semble inondé de signalétique disparate.

    Graff publicitaire ou sponsoring de marque de bière au dépôt de La Chapelle.
    Capture d’écran 2025, vidéo «Exposition Grand Train au dépôt de la Chapelle à Paris» publié par Niko Paladino sur Youtube 2016.

    La bière Skøll Tuborg est une marque de bière française lancée par la brasseries Kronenbourg en 2013. Sur les deux extraits vidéo, des fresques reprenant la marque de la brasserie Kronenbourg et le nom des bières occupent les murs. En dessous de la fresque « Skøll », une petite pancarte « California Zephyr », nom donné à un mythique train reliant Chicago à la baie de San Francisco, aux États-Unis, symbolise la conquête de l’Ouest. À côté, une image montre deux cheminots réparant une machine. Entre les deux, une pancarte « Hot dog de qualité, saucisse 100 % pur bœuf, etc. » indique ensuite les moyens de paiement. Un deuxième petit panneau, avec pour logo une bière et les moyens de paiement, se trouve plus loin. Le lieu semble inondé de signalétique disparate.

    Graff dans la halle Dubois du Centre de Premier Accueil, septembre 2016,
    Photographie : Fox Albra, Collectif Mit, 2016.

    Les murs de la halle Dubois, où se situaient les hébergements sur 10 000 m², sont à l’état brut. Des graffs témoignent du passage d’urbexeurs ou de squatteurs avant l’arrivée du Centre de Premier Accueil dans la halle. À l’intérieur du bâtiment, une quinzaine d’accès ont été condamnés à l’aide de panneaux en bois et de filets de sécurisation de chantier.

    Ground Control sous le nom de Grand Train, Dans le dossier presse « protocole foncier entre la ville de Paris et le groupe SNCF» de Novembre 2016, SNCF Immobilier et la Mairie de Paris, photographie de l'agence évènementiel la Lune Rousse.

    "Grand Train" à l'ex dépot de la Chapelle,
    Image dans le dossier presse « protocole foncier entre la ville de Paris et le groupe SNCF» de Novembre 2016, SNCF Immobilier et la Mairie de Paris, photographie de l'agence évènementiel la Lune Rousse.

    Occupation de 15 000 m² du dépôt de la Chapelle par Ground Control, sous le nom de Grand Train, en 2016. Installé en partie à même les rails, le public peut profiter de l’exposition à ciel ouvert des anciennes locomotives de la SNCF.
    Ici, les transats et parasols publicitaires donnent des allures de club privé.

    Vidéo publié par Paris.fr le 10/04/2018 sur Dailymotion, capture d’écran effectué le 8/04/2025  Dans la vidéo de communication de la Ville de Paris, on parle de 2015 avec « l’apparition des premiers campements de réfugiés dans les rues de Paris », puis en 2016, l’ouverture du Centre humanitaire de Premier Accueil. Sur cet extrait d’image, certains hébergés sont rassemblés pour une réunion d’information dans la bulle d’accueil.

    Sous "La Bulle" au centre de premier accueil Paris-Nord à Porte de la Chapelle,
    Capture d'écran 2025, Vidéo publié par Paris.fr le 10/04/2018 sur Dailymotion.

    Dans la vidéo de communication de la Ville de Paris, on part de 2015 avec « l’apparition des premiers campements de réfugiés dans les rues de Paris », puis en 2016, l’ouverture du Centre humanitaire de Premier Accueil. Sur cet extrait d’image, certains hébergés sont rassemblés pour une réunion d’information dans la bulle d’accueil.