Jessica Loones
- mots clef
- Hostilité
- communication
- invisibilisation
- gentrification
- JO Paris 24
Dans le cadre des Jeux Olympiques de Paris 24, la quartier de la Chapelle a subi une accélération des actions publiques avec l’objectif de modifier les représentations de ce quartier pour valoriser l’image lissée et attractive d’une métropole internationale. Ces transformations, présentées comme des embellissements, participent activement aussi à une stratégie de dissimulation des tensions sociales, contribuant à invisibiliser certaines réalités sociales jugés indésirables ( consommateurs de drogue, personnes migrantes, sans domicile fixe, etc.). Elles interrogent sur la manière dont l’architecture a souvent été utilisée comme un outil de division, servant à séparer des populations en fonction de leurs idéologies, cultures ou religions, plutôt que de favoriser l’inclusion.
Etat des lieux : Boulevard périphérique — Porte de la Chapelle, Paris 18 (à proximité du Stade Arena) Moment de la journée, 14h33,lumière naturelle (photo sans flash, ambiance sobre)Ciel dégagé, lumière diffuse,journée lumineuse, neutre. Un décor sous contrôle, propre mais trompeur, sous un certain silence photographique,ni mouvement ni voix, image presque morte, la rue est déserte à l’exception d’une personne dormant à même le sol. Série photographique, début de ma réflexion et premiers questionnement. Mélange de plusieurs situations qui ont attirées mon regard, les barbelés, la tente, les palissades, des affiches déchirées, tout devient une trace de Paris 2024
Qui est à l’origine du design des Jeux Olympiques de Paris 2024 ? Après avoir vu ces panneaux posés ici je me suis posée la question, mais qui a réalisé toutes ces affiches ? qui les a dessiné ? C’est grâce à cette série photographique que j’ai découvert que c’était l’agence Wconrandesign qui en était l’auteur.

Ville de Paris, La porte de la Chapelle s'est métamorphosée, découvrez son nouveau visage, capture d'écran, 3 avril 2025
Une métamorphose du quartier de la Chapelle, un mot aussi fort que celui ci, qui profite à qui ? Ce choix lexical n’est pas neutre : il traduit une volonté de marquer une rupture nette avec un passé stigmatisé, jugé insalubre, dangereux ou dévalorisé. Mais cette métamorphose urbaine, à qui est-elle réellement destinée ?
Une mise en récit valorisante de l’action publique. Il s’agit de produire une image spectaculaire du changement, capable de séduire les investisseurs, les touristes, les médias et les spectateurs des Jeux Olympiques. L’objectif n’est pas seulement d’aménager un quartier, mais de le repositionner symboliquement dans la ville : d’un lieu stigmatisé, on veut faire un « nouveau pôle attractif du nord parisien ». Ce que révèle ce processus de « métamorphose », c’est qu’il ne s’agit pas de résoudre les problèmes sociaux mais encore une fois de paraître. La fermeture de la colline du crack, l’installation de nouveaux aménagements « accueillants » et la sécurisation renforcée des abords de l’Arena sont des mesures qui déplacent les populations indésirables, sans leur proposer de véritables solutions d’accompagnement. On rend la façade conforme aux attentes du récit olympique. Et quelles transformations, qui servent à la gentrification.

Le Figaro, Autour de la Porte de la Chapelle, la crainte d'un retour brutal à la réalité », capture d’écran de l’article, 15 août 2024
La capture d’écran de cet article met en lumière les transformations urbaines opérées autour de la Porte de la Chapelle à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris 2024. Il souligne comment ces aménagements ont temporairement modifié l’image du quartier, suscitant à la fois espoirs et inquiétudes parmi les habitants.
L’intérêt de cet article pour le mémoire est qu’il illustre le concept d’« urbanisme événementiel » (L’urbanisme événementielle est le résultat collectif des interprétations individuelles des événements comme signe temporel. Elle produit du lien social et construit un sens commun des lieux, selon researchgate), où des aménagements sont réalisés pour des occasions spécifiques - qui d’ailleurs est l’une des seuls construction réalisée spécifiquement pour les JO de Paris- . Il met en évidence la manière dont l’architecture et l’urbanisme peuvent être utilisés pour masquer temporairement des problématiques sociales profondes, telles que la précarité et l’exclusion et c’est pourquoi l’article est très intéressant, tout simplement parce qu’après la fin des jeux olympiques, tous les doutes des habitants resurgissent,
Capture d’écran vidéo, Cette vidéo me captive par sa capacité à donner la parole aux principaux concernés : les usagers de drogue, les migrants et les personnes sans-abri qui occupent ou ont occupé la colline du crack. Leurs témoignages bruts et sincères révèlent les dynamiques sociales complexes et les stratégies de survie mises en place face à l’exclusion.
La vidéo met également en lumière la manière dont l’espace urbain est utilisé et transformé par ces populations marginalisées. Les campements improvisés, les zones de repli et les interactions avec les structures environnantes offrent une perspective concrète sur l’appropriation de l’espace public par ceux qui en sont souvent exclus. La vidéo enrichit ma réflexion sur l’architecture comme outil de dissimulation en illustrant comment les aménagements urbains peuvent à la fois exclure et être réappropriés. Elle montre que, malgré les efforts pour masquer ou éliminer les signes visibles de la marginalité, les populations concernées trouvent des moyens de subsister et d’interagir avec l’espace urbain. Par ailleurs, les témoignages recueillis soulignent l’impact des politiques publiques sur ces communautés. Les évacuations répétées, les déplacements forcés et l’absence de solutions durables sont autant de facteurs qui contribuent à la précarisation et à l’invisibilisation de ces groupes. Cela alimente ma réflexion sur le rôle de l’architecture et de l’urbanisme dans la gestion des populations considérées comme indésirables.
Rapport du projet d’un espace de repos la Chapelle, créé pour venir en aide aux personnes ayant des addiction, avec un relevé de plusieurs données. Ce document est le résultat de la mise en place du «plan crack» émis en 2021 qui consistait à réduire durablement la présence à la rue des consommateurs de crack et de favoriser leur réinsertion. Il détaille en plus de ça, les stratégies mises en œuvre pour lutter contre la consommation de crack, notamment dans les zones sensibles comme La Chapelle.
Les informations fournies par l’ARS corroborent mes observations sur le terrain concernant la présence de dispositifs architecturaux et urbains destinés à encadrer ou à éloigner les populations marginalisées. Elles soulignent également les tensions entre les objectifs de santé publique et les dynamiques d’exclusion spatiale, renforçant ainsi l’idée que l’architecture peut servir d’outil de dissimulation des problématiques sociales.
Le terme « must-go zones », récemment introduit par Anne Hidalgo, vise à remettre les quartiers populaires au cœur des priorités urbaines. Cette expression naît en réaction au concept de « no-go zones », popularisé par le New York Times à la suite des attentats de Charlie Hebdo pour désigner certains quartiers parisiens perçus comme délaissés ou dangereux. En reprenant ce terme de manière détournée, Anne Hidalgo s’en empare comme outil de communication et de revalorisation symbolique, dans une tentative de redynamisation de ces territoires souvent stigmatisés. Exemple concret de politique publique visant à transformer l’image et la réalité sociale de quartiers défavorisés, tout en soulevant des interrogations sur les implications de telles transformations.

figure 1 : capture d’écran réalisée sur google earth figure 2 : capture d’écran réalisée sur le site le parisien, 3D émise sur Vectuel, 2022
Transformation du quartier de la Chapelle, une volonté d’uniformiser, au détriment de qui ? Ces deux images parlent d’elles mêmes, un avant après qui fait lisse. Une artère principale complètement métamorphosée, des quartiers et logements flambant neuf mais également une prévision de nouveaux logements réservés aux étudiants, des projets qui finalement se veulent progressifs et inclusifs.
Mais qui va être neutralisé ? Abandonné ? Éloigné ?
Crowd control, Comment est contrôlé une foule ? Rapport entre peuple et force. Indication parfois par des simples barrières. Les classes sociales sont réparties et séparées des autres classes/groupe. Je me suis intéressée à ce document pour montrer que les hommes eux mêmes servent d’outils de division et fragmenter les territoires
Document traitant du concept «defensive city», atlas visuel et analytique des dispositifs architecturaux et urbains conçus pour contrôler, filtrer ou repousser certaines populations : grilles anti-SDF, murs anti-émeute, bancs inhospitaliers, séparateurs de trottoirs, zones ultra-sécurisées, ou encore structures anti-véhicules.
Dans le chapitre sur la «Defensive City», Deutinger ne décrit pas seulement les objets physiques, il déconstruit leur logique, en montrant que ces éléments ne protègent pas des menaces, mais protègent une classe sociale dominante de ce qu’elle perçoit comme des nuisances humaines (pauvres, migrants, usagers de drogues, manifestants…). le lien avec le projet olympique autour de l’Arena Porte de La Chapelle, combiné aux dispositifs anti-crack et aux réaménagements esthétiques, illustre exactement la logique d’une «ville défensive» :
On déplace loin des caméras et du regard des visiteurs. On esthétise l’espace,on produit de la sécurité visuelle, sans répondre à l’insécurité sociale réelle.
Le document de la Préfecture de Police intitulé « Sites Olympiques et Paralympiques – Paris – Arena Chapelle » présente les dispositifs de sécurité mis en place autour de l’Arena Porte de la Chapelle à l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Il détaille les périmètres de sécurité, les restrictions de circulation et les mesures spécifiques visant à assurer la sûreté des événements sportifs dans ce secteur
Le document offre une perspective institutionnelle sur la manière dont l’espace urbain est reconfiguré temporairement pour des événements majeurs. Il met en lumière les stratégies de sécurisation et de contrôle mises en œuvre par les autorités, révélant ainsi les dynamiques de pouvoir et de gestion de l’espace public dans un quartier comme La Chapelle. Les périmètres de sécurité et les restrictions de circulation peuvent être perçus comme des mécanismes visant à contrôler l’image du quartier pendant les Jeux, en occultant certaines problématiques sociales ou en déplaçant temporairement des populations.