Une recherche de
  • Anna Tilly
  • Architecture de logement collectifs et politiques urbaines à La Chapelle

    Le quartier de La Chapelle à connu, depuis son rattachement à Paris en 1860, des transformations majeures. Sa situation géographique particulière ainsi que son industrialisation massive au XIXème en ont fait une véritable porte d’entrée dans Paris pour de nombreuses populations. Aujourd’hui, les politiques de la ville s’appuient sur cet héritage tout en essayant de modifier profondément le quartier et son image. De nombreux projets de réaménagement et de constructions voient le jour sur les anciens terrains ferroviaires de la SNCF. Cette recherche se propose d’étudier l’évolution de ce quartier à travers plusieurs architectures de logement caractéristique de leurs époques. De la morphologie des immeubles du XIXème jusqu’à Chapelle International en passant par le HBM Charles Hermite et la Tour de la Sablière, ces architectures nous permettent de comprendre les mutations sociales et urbaines que connaît le quartier au fil du temps, tout en mettant en lumière les politiques publiques qui y sont menées.

    Les études de cas

    Début du XXème siècle

    Paris : Plan parcellaire municipal de Paris (fin XIXe), dit «draps de lit», Archives de paris, consulté le 08/04/2025

    Ce plan parcellaire municipal de la Ville de Paris a été établi grâce à des relevés réalisés entre 1871 et 1896.
    Il nous permet d’observer l’industrialisation forte du quartier qui débute dès la seconde moitié du XIXe siècle. L’enceinte de Thiers est construite en 1842, précédant de peu l’annexion de la commune de La Chapelle à Paris en 1860.  Dès 1845, les premières infrastructures ferroviaires voient le jour, avec le dépôt de La Chapelle, puis la mise en service de la gare Chapelle-Saint-Denis en 1871.
    L’essor de l’industrialisation transforme complètement la morphologie du quartier, les champs laissent place aux entrepôts à charbon, aux usines à gaz et aux dépôts ferroviaires.
    À l’ouest, les chemins de fer du Nord s’étendent et densifient leur emprise pour les ateliers et la gare aux marchandises ; les lignes ferroviaires se sont élargies pour rallier la gare du Nord qui s’agrandit en 1865.
    À l’est, les champs sont remplacés par la gare Chapelle-Charbons qui jouxte également l’usine à gaz de la Villette, inaugurée en 1856. Le dépôt des locomotives de Ceinture est inauguré en 1870 et situé au 25 du boulevard Ney.
    Outre ce tissu industriel, une autre échelle du parcellaire se développe, notamment le long de la rue de La Chapelle où l’on observe un grand nombre de petites parcelles densément bâties, dont la morphologie est décrite dans plusieurs écrits, comme les livres Voisins de passage de Fabrice Langrognet paru en 2013 et Confessions d’un enfant de La Chapelle d’Albert Simonin paru en 1977. De nombreuses cartes postales du début du XXe siècle nous donnent aussi un témoignage de l’architecture de ce quartier.

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    Entre-deux guerres, les HBM

    Carte topographique, 1934-1962, services géographique de l’armée, consulté le 08/04/2025.

    Cette carte topographique, bien que peu précise sur la nature du bâtis, nous donne des informations sur les évolutions morphologiques du quartier à une plus grande échelle. On observe premièrement la disparition de l’enceinte de Thiers, détruite entre 1919 et 1929, cette destruction va être suivie en 1935 par la construction du HBM Charles-Hermites sur des terrain vendus à la Ville par l’État. Ce groupement est classifié comme HMBO, O pour ordinaire, il était dédié aux ouvriers et aux employés et à été édifié par l’OPHBMVP (Office public d’habitations à bon marché de la Ville de Paris) et la RIVP, il fait parti d’une opération de construction, de 1921 à 1939, lors de laquelle 58 500 logements HBM ont étés livrés dans Paris, se répartissent de manière suivante. On observe donc ici une entrée en jeux de l municipalité qui se saisit pour la première fois de la question du logement et devient même maître d’ouvrage, tandis que l’État est encore en retrait.Du côté du tissus ferroviaire, en 1934 la ligne de la Petite Ceinture est fermé aux voyageurs et que le métro arrive à La Chapelle en 1916. Mis à part cela on observe assez peu de changement quant à l’emprise de la SNCF sur le quartier.

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    L'après-guerre, les immeubles de grande hauteur

    Photographie de la Tour de la Sablière, 93 Rue de la Chapelle, réalisée le 26/08/2018 par patrickw.

    Construite en 1967 et conçue par l'architecte André Remondet, cette tour résidentielle est initialement destinée au personnel de la Société Nationale des Chemins de fer Français. Elle est caractéristique de l'apparition des immeubles de grande hauteur dans les années 70' en France. Ce projet témoigne des politiques keynésiennes, interventionnistes de l’État qui aménage le territoire et prend en charge la construction d’équipements et de logements, par l’intermédiaire, par exemple, de L’Office central interprofessionnel du logement (OCIL) dans ce cas. Là où, dans les années 30’, pour les HBM, c’est la ville de Paris qui est à l’initiative, dans la période d’après-guerre c’est l’État qui tente de pallier les défaillances des marchés.

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    XXIème siècle, l'urbanisation néolibérale

    Plan actuel, 2020, APUR - Sur lequel ont été ajoutées les emprises foncières actuelles de la sncf et les projets d’aménagements en cours ou passés, consulté le 08/04/2025

    Depuis le début des années 2000 avec le Le Plan Paris Nord-Est (PNE), grand projet urbain initié par la Ville de Paris, La Chapelle connaît des transformations urbaines considérables, et nombreuses sont encore à venir. Ce plan vise à requalifier et transformer en profondeur un vaste territoire situé dans le nord-est de la capitale, aux confins des 18e, 19e et 20e arrondissements, à la lisière de la Seine-Saint-Denis. Il s’agit d’un des derniers grands secteurs de mutation urbaine intra-muros, longtemps marqué par les infrastructures ferroviaires et industrielles. Celui-ci se concentrent principalement sur des terrains historiquement occupés par des emprises de la SNCF (gares de marchandises, faisceaux ferroviaires, entrepôts…) et des friches ferroviaires. Dans le périmètre du PNE figure déjà les projets de : Chapelle International, Chapelle Charbon, Gare des Mines – Fillettes, Évangile – Ordener.En 2010, Le Plan Paris Nord-Est est élargi. Il prévoit une révision et un agrandissement du périmètre d’intervention urbaine, pour englober un territoire plus vaste et renforcer les ambitions de transformation. En effet avec l’accélération des mutations urbaines, l’arrivée du Grand Paris Express, la perspective des Jeux Olympiques 2024, la Ville de Paris a décidé d’étendre le périmètre de projet. Le périmètre du PNE élargi couvre environ 600 hectares, contre 200 pour le périmètre initial, soit presque trois arrondissements entiers. Il englobe désormais, dans le 18ème arrondissement, Chapelle International, Porte de la Chapelle, Gare des Mines – Fillettes, Chapelle Charbon; La Sablière. Comme on peut le remarquer en regardant la carte, nombreux de ces projets se trouvent sur des emprises de la SNCF.On observe, depuis le XIXème siècle une omniprésence de la SNCF dans ce secteur, qui, par ses différentes filiales à su conserver ces emprises et les profits que celles-ci génèrent en s’adaptant à l’économie. Anciennement terrains ferroviaires, lors de la révolution industrielle et l’essor du chemin de fer, ces terrains se convertissent aujourd’hui, dans un pays et une ville désindustrialisés, en logement, équipement urbain...Permettant à l’aménageur de continuer à exploiter leur potentiel économique.Cette logique d’exploitation des emprises foncières au sein des villes nous est parfaitement décrite dans le livre La ville néolibérale  de Gilles Pinson. On y comprend les différentes étapes économiques mais également législatives qui ont permis ou même encouragés cette nouvelle économie de la ville depuis la désindustrialisation, dont l’application est frappante à La Chapelle.

    Axonométrie du projet Chapelle International, issu du livret d'accueil Chapelle International 2023.

    Chapelle International est un projet d'aménagement urbain, sur une ancienne emprise ferroviaire donnant sur le rond-point de la Chapelle. Ce projet est développé par Espaces Ferroviaires, filiale d'aménagement urbain et de promotion immobilière de la SNCF. Ce projet permet de mettre en lumière le changement de paradigme qui a opéré au tournant des années 80’ dans les politiques d’urbanisation : le passage d’une économie industrielle à un nouveau modèle économique de la ville néolibérale. Il est le témoin de la disparition de l’État interventionniste dans les politiques, dont le rôle est récupéré par la ville et les aménageurs (SNCF immobilier à chapelle internationale, Paris & Métropole aménagement pour Charbon et Gare des Mines). Les acteurs publics se reposent sur des opérateurs/promoteurs pour financer la construction de ces opérations. A Chapelle International, par exemple, huit opérateurs immobiliers sont présents. Cette diversité des acteurs se présente comme étant au service d’une «mixité sociale» nécessaire à la métamorphose du 18ème arrondissement de Paris mais témoigne surtout d’une recherche d’attractivité absolue qui découle de la mise en compétition des métropoles.