Quels enseignements pour la poursuite du projet ?
Après une année de collaboration avec la commune de Callac, le Fonds de dotation Merci a été contraint d’arrêter son projet Horizon en raison d’une violente campagne d’intimidation menée par l’extrême- droite. Avant de nouer un partenariat avec une nouvelle commune, le Fonds de dotation Merci revient sur cette crise médiatico-politique afin d’en retirer des enseignements et les partager avec tous les porteurs de projets qui se trouveraient dans la même situation.
Après quatre années de travail et de recherche, le Fonds de dotation Merci, organisation d’intérêt général qui agit depuis 14 ans en France et à Madagascar, a choisi de s’associer à la commune de Callac, bourg de 2200 habitants situé dans les Côtes d’Armor en Bretagne, pour y développer le projet Horizon.
Horizon a l’ambition de revitaliser un territoire, en créant la rencontre entre une population locale et des personnes réfugiées qui, grâce à leurs savoir- faire, participeront ensemble à développer des activités économiques, sociales et culturelles.
La ville de Callac a été sélectionnée pour son hospitalité (plusieurs familles réfugiées étaient déjà installées) et pour son tissu associatif et culturel. Un diagnostic urbain et socio-économique a été réalisé avec les élus, des associations et des entreprises locales. L’objectif de cet audit visait à évaluer les possibilités d’accueil de la commune, tant en termes de logements disponibles que d’opportunités professionnelles.
Le 14 avril 2022, une réunion publique s’est tenue dans la salle des fêtes, où plus de 200 Callacois étaient présents et au cours de laquelle le projet Horizon a été présenté : origine, méthodologie, ambition.
Le 15 avril 2022, une convention a été signée par le maire et les représentants du Fonds de dotation Merci. Les deux partenaires se sont ainsi engagés à tout mettre en œuvre pour réussir, ensemble et de manière concertée, l’implantation du projet Horizon à Callac et de préparer l’arrivée des premiers candidats et candidates à l’installation.
Les premières attaques de l’extrême-droite ont démarré à cette période : présence silencieuse mais inquiétante lors de la réunion publique, menaces de mort à l’encontre des élus, messages injurieux à caractère raciste et antisémite, tags et affichages identitaires et xénophobes sur les murs de la ville…
Le 17 septembre 2022, des partisans de l’extrême droite et du parti Reconquête ont appelé à une manifestation devant la mairie de Callac pour s’opposer au projet, réunissant 250 personnes. Au même moment, et à quelques mètres, une « contre-manifestation » était appelée par des associations, des syndicats et des élus bretons pour apporter leur soutien aux élus de Callac et au projet Horizon.
Avec l’annonce du Président Macron, le 15 septembre 2022 sur l’opportunité d’accueillir dans les territoires ruraux, le projet Horizon devenait alors le nouvel épouvantail national d’un « grand remplacement rural », jetant dans la tourmente les porteurs du projet, les élus et les habitants de ce village jusqu’alors paisible.
Le 5 novembre 2022, une nouvelle manifestation a été organisée par les mouvements locaux d’extrême droite, avec le parti Reconquête. En parallèle, une contre-manifestation était organisée mobilisant plusieurs centaines de soutiens. Pour empêcher toutes confrontations, le préfet - faute d’avoir interdit les manifestations – a déployé 200 CRS. Ces images violentes pour les habitants, qui n’avaient jamais assisté à de tels évènements, ont cristallisé les peurs et les inquiétudes en ciblant non pas l’extrême-droite mais Horizon comme fauteur de troubles.
Ces deux manifestations ont été les temps forts de cette campagne nauséabonde aux relents racistes et antisémites, fondée sur des méthodes de harcèlement et d’intimidation, ciblant le maire et plusieurs conseillers municipaux – jusque dans leur vie privée. Le Fonds de dotation Merci a lui-même été la cible de ces agissements. C’est dans ce contexte d’intimidation que la décision d’arrêt par le bureau municipal est intervenue, le 9 janvier dernier, privant ainsi Callac d’un projet d’avenir. Nous regrettons cette décision bien sûr, mais nous la respectons. Elle n’entache en rien notre détermination à poursuivre ce projet auquel nous croyons, porteur de solutions pour des familles réfugiées et pour un territoire.
Avant de nouer un partenariat avec une nouvelle commune française, nous avons pris le temps de décrypter ce qui s’est passé à Callac et tenter d’en retirer des enseignements, que nous vous
livrons ici.
1. La communication : Assumer qui nous sommes et ce que nous ambitionnons de faire
Le projet Horizon vise à revitaliser un territoire tant sur le plan urbain, économique et social, en permettant l’accueil de personnes réfugiées et en faisant collaborer tous les acteurs du territoire, privés et publics : élus, habitants, entreprises, associations, collectivités publiques, préfecture…
Ce n’est pas un projet dont nous devrions avoir honte ou taire.
À Callac, il nous a été recommandé de faire profil bas, ce que nous avons fait. Mais cette stratégie n’a pas marché. Notre posture réservée a laissé au contraire la place à ces groupes fascisants pour propager leurs discours anxiogènes et leurs idées racistes, diffuser de fausses informations, des mensonges, notamment sur le nombre de personnes qui pourraient être
accueillies, dans le seul but d’effrayer la population.
Ces enseignements ont un impact direct sur notre future stratégie de communication qui visera à informer régulièrement les habitants sur les avancées du projet, à engager le plus tôt possible une concertation avec eux, avec les collectivités et les associations locales.
Il s’agit de ne plus laisser la place, sur le terrain et dans les médias, à cette minorité active qui musèle une majorité apeurée et donc réduite au silence.
Pour mener à bien cette mission, le Fonds de dotation Merci a fait appel à VoxPublic, association qui appuie les acteurs de la société civile qui veulent influencer les politiques publiques pour réduire les injustices sociales et environnementales, combattre les discriminations ainsi que défendre l’État de droit et les libertés.
2. Agir ensemble avec les acteurs locaux
Travailler en collaboration avec les acteurs locaux est une des caractéristiques du projet Horizon, mais il nous semble désormais essentiel que toutes les parties prenantes soient invitées à s’impliquer en amont de toute communication publique, et en particulier le représentant de l’Étatvia le Préfet.
La mobilisation ne concerne pas que les institutions publiques. En effet, ce n’est qu’ensemble - élus, citoyens, organisations sociales, pouvoirs publics, habitants, entreprises - que nous pouvons relever ce défi face à l’extrême-droite et ne plus laisser ces groupuscules empêcher la mise en œuvre d’un projet pourtant validé par un conseil municipal, démocratiquement élu.
Maintenir le dialogue avec chacun de ces acteurs est une des clés de la réussite du projet. Chacun doit pouvoir exprimer ses inquiétudes et partager ses idées. C’est ainsi que nous pourrons lutter contre les imaginaires anxiogènes et d’inscrire ce projet d’accueil dans un projet de territoire.
3. Systématiser la riposte juridique
Le Fonds de dotation Merci a sollicité les services d’un avocat, Me William Bourdon, spécialiste en droit pénal, qui engage des poursuites judiciaires contre les auteurs des attaques et menaces pénalement répréhensibles dont le Fonds de dotation Merci a été l’objet.
4. Transformer la peur en fierté
Horizon veut provoquer la rencontre entre des personnes qui n’avaient aucune raison de se rencontrer, qui ont des histoires différentes mais qui ont pourtant beaucoup à partager.
Horizon veut mettre l’accent sur cette rencontre en organisant des événements, qui permettent l’échange entre accueillis et accueillants. L’art, la culture, le sport, l’école sont les meilleurs alliés pour déconstruire les fausses croyances et permettre aux habitants – anciens et nouveaux – de se réunir et d’apprendre à se connaître.
Conclusion
Le Fonds de dotation Merci entend poursuivre son action sans céder aux intimidations de l’extrême-droite. Il souhaite entreprendre une prospection active d’une nouvelle commune française, prête à s’engager à ses côtés.
Le Fonds de dotation Merci invite tous ses réseaux, et notamment l’organisation EPIM et ses partenaires, à relayer cet appel à candidature, et à nous aider à implanter le projet Horizon.